
Sylvain Court fait partie des traileurs français les plus doués de sa génération : un des plus capés également et peut-être un des plus discrets aussi malgré un palmarès époustouflant. Au très haut niveau depuis 2011, il a enchaîné et multiplié les premières places sur les trails montagnards. Double Champion de France en 2014 et 2016, il accède enfin à la consécration en devenant Champion du Monde de Trail en mai 2015 à Annecy-le Vieux (Haute-Savoie). Autant vous le dire : nous sommes extrêmement fiers de le recevoir à Plourhan. C’est un grand honneur qu’il nous accorde en étant le parrain de l’édition 2022 du Trail Glazig ! Nous en avons profité pour lui poser quelques questions.
Sylvain d’où viens-tu ? Qui es-tu en quelques mots ?
Je me présente rapidement, Sylvain Court, 38 ans, né à Draguignan dans le Var en 1983. Je travaille dans l’armée de l’air depuis 17 ans. J’ai d’abord travaillé pendant 12 ans à Bordeaux (30e Commando Parachutiste de l’Air) et depuis 5 ans, dans la région de Grenoble, pour les pupilles de l’air. J’habite dans le département de la Savoie avec ma femme. Les 10 premières années, c’était compliqué de concilier travail et sport de haut niveau, car je faisais partie des unités opérationnelles. Mais néanmoins, j’avais une habitude d’entraînement car dans l’armée, nous faisons du sport pour nous entretenir. Après, il m’est arrivé un incident en para, et j’ai perdu l’aptitude opérationnelle. Je me suis alors orienté vers la logistique, puis petit à petit, je me suis mis à la course à pied. De fil en aiguilles, ou de monts en aiguilles, je suis arrivé au trail !
Comment l’idée de te mettre au trail t’est-elle venue et quels autres sports pratiques-tu ?
Je crois fondamentalement que cela vient de loin, de mon éducation… Quand j’étais petit, j’ai eu l’habitude de partir en van aménagé en montagne avec mes parents, on crapahutait, on faisait beaucoup de rando. Ensuite, à mon adolescence, je me suis mis au VTT ce qui m’a beaucoup plu. J’étais très passionné. D’abord pendant 5 – 6 ans au niveau amateur, puis j’ai gravi les niveaux, jusqu’aux portes des semi-pro où j’avais été repéré. Mon entrée dans l’Armée a vraiment mis un frein à cet élan et ma progression. Ma venue au trail proprement dit, s’est faite un peu par hasard. Après mon incident et cette « inaptitude », j’ai beaucoup pratiqué la course sur route et naturellement je me suis mis au trail, un sport de pleine nature qui me correspondait mieux.
Pour la petite histoire, en 2009 je crois, un ami m’a proposé un peu sur un coup de tête de prendre un dossard avec lui sur le marathon du Montcalm (Ariège-Pyrénées), que je ne connaissais pas du tout. C’était dingue en fait ! mais je ne m’en rendais pas compte. Je suis vraiment parti à l’aventure avec seulement 2 barres de céréales dans la poche ! J’ai d’abord vraiment accompli une très très bonne première partie de course, mais dans la dernière descente, j’ai été victime d’une hypoglycémie très brutale. Je finis 2e !!!
Une fois remis, ça m’a donné envie d’aller plus loin. En 2010, j’ai attaqué le Trail Tour National, ce qui a véritablement marqué mes débuts dans le monde du trail, sans entraîneur en recherchant mes entraînements sur internet que je consignais sur un petit carnet. J’ai intégré le « Top 5 » du T.T.N
J’ai conclu ma saison aux Templiers avec une 7e place. C’est alors que j’ai fait la rencontre de Philippe Propage, grand manitou du Trail et de l’Athlétisme, qui est devenu mon entraîneur. L’entraînement se fait à distance, il est basé près de St Etienne/Lyon. A l’époque, il était le sélectionneur de l’équipe de France de Trail et il allait sur toutes les courses de trail pour détecter des futurs champions en équipe de France. Il m’a très bien conseillé notamment sur la récupération. Il m’a ramené à la raison, et a réussi à calmer mes ardeurs devant les plannings de fou que je me mettais !
Il a été intéressé par mon petit carnet d’entraînement et a trouvé que j’avais du potentiel qui ne demandait qu’à s’exprimer. Les Templiers ont vraiment été l’événement déclencheur.
Il a voulu faire les choses progressivement, en exploitant le potentiel à fond.
Au regard de ton palmarès, où tu as déjà touché des sommets au propre comme au figuré, quel est ton moteur ? Et de quoi es-tu le plus fier ?
C’est un sport tellement exigeant que mon principal moteur, est et doit rester le plaisir.
Si on fait des choses dans la vie, sans plaisir, sans envie, les résultats ne seront pas au rendez-vous. Pour preuve, dans ma carrière, il m’est arrivé de m’aligner sur des courses sans véritablement de plaisir, plus par « obligation » (sponsors ou autres contraintes), et je n’ai pas forcément marché. Du coup, j’essaie de suivre mes envies !
Aujourd’hui ce qui me fait le plus envie, c’est « l’ultra ». J’ai attaqué depuis 2017. C’est aussi me frotter à des distances que je ne maîtrise pas encore. L’ULTRA me fait vraiment rêver !
Comme tout gamin, l’idée de porter le maillot de l’équipe de France un jour te met des étoiles dans la tête ! L’Équipe de France et les Championnats du Monde sont l’aboutissement que je m’étais fixé. J’étais tellement motivé par porter ce maillot… En 2014, je savais que j’avais cette sélection et j’ai tout mis en place pour arriver à ce but. J’ai tout mis en place en termes de rigueur et de récupération. Et, j’étais prêt aussi à faire des sacrifices familiaux, car ça fait partie des choix qu’il faut accepter. J’ai maîtrisé ma course, je connaissais bien mes adversaires, Xavier Thévenard, et Pau Capell (Espagne), tous deux, très grands spécialistes du Trail et de l’Ultra. Je voulais tellement ce titre, que quand je l’ai décroché, j’étais dans la forme de ma vie, c’était tout simplement magique ! L’effort n’était finalement pas si dur que cela !
Depuis 2 ans, je ne cours plus à mon niveau car je rénove une maison, plutôt un chalet en Savoie. Nous travaillons sur ce projet et dans la maison, même le week-end… Le trail est un sport qui se professionnalise de plus en plus, et qui laisse de moins en moins de place à l’approximation.
Donc, pour être « Finisher » comme on dit, pas de souci, mais pour être au top avec les personnes que j’ai citées un peu plus haut par exemple, c’est une autre histoire !!…
Petite question : as-tu déjà été blessé ?
Oh, oui !
Mais ma plus grosse blessure, elle, a eu lieu à trois semaines des Championnats du Monde de 2016, où je termine 3e. Il s’agissait d’une grosse entorse de la cheville que j’ai contractée lors d’une grosse descente avec Michel Lanne de l’équipe de France (« ange de la montagne » qui vient d’annoncer son retrait de la compétition), dans le sud de la France. Les médecins m’ont demandé de suivre un protocole, que je n’ai pas observé à la lettre. J’ai quand même pris le départ des mondiaux, j’étais 2e à la poursuite de l’espagnol, mon adversaire de l’année précédente, mais je me suis refait une nouvelle entorse encore en descente. J’ai rétrogradé immédiatement à la 3e place. J’ai tout de même continué et fini la course, mais c’est le fait marquant de cette épreuve. Avec le recul, ça reste un bon souvenir, parce que j’ai quand même ramené une médaille individuelle et une par équipe, mais sur le moment, rrrrrr…
Dans toutes ces grandes courses, pour t’assurer la victoire, as-tu toujours un plan de course ? Quel est ton secret pour monter sur tous ces podiums ?
Pour les très gros objectifs, tels que l’UTMB ou les Championnats du Monde, il n’y a pas de secret, nous programmons des recos et des préparations spécifiques, et je les réalise de manière très précise et minutieuse. Je ne me programme plus que 2 gros objectifs par an, je ne suis pas professionnel ! Sur ces grands objectifs, j’essaie de me déplacer 2 ou 3 mois avant pour reconnaître les lieux, m’imprégner du profil de la course (topographie, etc.), et corréler l’alimentation en fonction des difficultés que je vais rencontrer et enchaîner.
Existe-t-il des rêves que tu souhaiterais réaliser et que tu n’as pas encore atteint ?
Au niveau national, que la situation se calme un peu et que le virus s’arrête ! Tout cela commence à peser pour tout le monde. On a l’impression que c’est un cercle sans fin. Quand ça se calme, ça repart, c’est démoralisant ! J’espère que l’on trouvera une solution à ce virus.
Dans un domaine plus personnel et plus local, que je puisse m’installer avec ma femme car cela fait maintenant 5 ans que nous avons embrassé ce projet, nous y mettons beaucoup d’énergie. Mais c’est pour la bonne cause, puisque nous voulons y fonder notre petite famille.
Comment gères-tu la pression lors des grands événements et vis à vis de tes sponsors ?
En dehors de la pression, quelles sensations t’apportent la course à pied ?
Effectivement, la pression existe, et avoir un préparateur mental se fait beaucoup aujourd’hui. Moi, je n’en ressens pas le besoin impérieux, tout comme je n’ai pas non plus de coach en nutrition. Le fait de très bien préparer ma course en amont me permet assurément de me décharger d’une certaine pression. Toujours essayer également de prendre les choses avec plaisir et positivisme, est aussi une bonne technique, pour ne pas ressentir tant de pression que cela.
Je me programme aussi, je fais de l’auto-persuasion en quelque sorte, lorsque je me retrouve dans l’effort lors de gros entraînements, j’essaie de me conditionner, j’essaie de me dire que je peux gagner, que je peux être fort, et ainsi essayer d’y croire.
Je pense que si l’on ne croit pas que l’on peut être LE meilleur, c’est difficile de gagner !
Quels seront tes prochains objectifs et temps forts pour les mois et/ou années à venir ?
Quel est ton calendrier 2022 voire 2023 ?
Dans l’année qui arrive (NDLR : 2022), une fois que j’aurai achevé la construction de mon « chez moi », l’objectif est le Trail Glazig !
Après… j’aimerais beaucoup recourir le 90 K du Mont-Blanc et aussi l’UTMB fin août, mais ça s’arrête là !
En cela, je suis peut-être un coureur un peu particulier, qui voit au jour le jour, un peu à la dernière minute, en fonction de mes envies du moment.
Pour les curieux que nous sommes, nous nous disons que tu as une équipe autour de toi… Est-ce le cas ?
Mon entraîneur joue un rôle énorme dans ma préparation et joue également un rôle fondamental de préparateur mental, parce qu’en réalité, avant la course, nous échangeons beaucoup et aussi sur la tactique de course que nous allons adopter. Il est plutôt honnête avec moi, il me dit les choses. Il est réaliste. D’un autre côté, il sait aussi me galvaniser et me motiver à fond sur mes objectifs.
Ma garde rapprochée est représentée uniquement par ma femme, Laure, qui me suit tout au long de l’année, elle court un petit peu, juste pour le plaisir. Elle se documente et s’intéresse de plus en plus à la naturopathie, je suis un peu son cobaye et ce n’est pas pour me déplaire, bien au contraire ! Cela regroupe plein de choses variées comme les massages, tout ce qui tourne autour du bien-être, et que des choses positives pour le coureur. A part elle, j’ai aussi mes parents, évidemment, qui me suivent énormément. Ma mère est ma première fan ! Et maintenant, mes beaux-parents s’y sont mis aussi.
De nature un peu sauvage, je préfère me retrouver avec des personnes simples, que je connais bien et qui me connaissent très bien, plutôt qu’avec tout un staff.
Pourquoi ne jamais avoir tenté une des très grandes et belles courses bretonnes ?
Avec ma femme, nous aimerions vraiment découvrir la Bretagne mais le hasard du calendrier ne nous l’a jamais permis. Peut-être la distance qui nous sépare. C’est vrai aussi qu’avec les objectifs que je prépare (rappel : L’UTMB), il me faut de la Montagne. L’hiver, je fais un peu de cross mais je m’adonne aussi à des courses un peu plus plates. Cette année, c’était vraiment la bonne occasion de venir sur le Glazig, je ne m’attends pas à un parcours très plat, non plus. Plus au nord, j’avais déjà participé à l’Eco-Trail de PAris et le Trail de la Côte d’Opale.
Je crois que c’est vraiment l’éloignement, la raison pour laquelle je ne suis pas encore venu dans votre région. La Bretagne est une région que je ne connais pas non plus en trail, et j’ai hâte de la découvrir.
En tout cas, je voulais ajouter que je me mets à la place de toute l’organisation, c’est tellement une débauche d’énergie pour organiser une course, tellement de sacrifices de temps que ce ne serait pas une récompense, si cette dernière venait à devoir s’annuler pour des raisons de « Covid ».
Comment as-tu entendu parler du Trail Glazig auparavant ?
Cela remonte à assez longtemps… En 2009-2010, j’épluchais le calendrier Trail, j’avais failli monter en Bretagne pour le Trail Glazig en guise de préparation pour l’Eco-Trail de Paris. C’est une course, qui commence à avoir pas mal d’années à son compteur. Et je m’étais dit qu’il était intéressant de faire un gros « bloc » en enchaînant 2 courses sur le week-end. Je l’ai également découvert à travers des magazines spécialisés sur le Trail.
Enfin, pourquoi avoir accepté d’être parrain du Trail Glazig ?
C’est la suite logique de la conjonction de plusieurs évènements.
Le Glazig cherchait un parrain pour ses 20 ans, et par ricochet, j’ai été approché par des personnes proches de l’organisation. De surcroît, le fait de découvrir la Bretagne me ravit.
Alain m’a envoyé un message personnel qui m’a touché, et qui a fini de me persuader. Je lui ai également parlé au téléphone, et nous nous sommes découvert des affinités. Cela a décuplé mon envie de venir rencontrer l’organisation et découvrir cette course de l’intérieur. Comme je l’ai souligné, nous n’avons jamais eu la chance de découvrir cette région pourtant si touristique, et nous croisons les doigts pour que nous puissions enfin venir fin janvier 2022 !
Photos : David Boudin @focusoutdoor